Matin : La nature du régime
Président de séance : James N. Green, Brown University

9h00 – João Roberto Martins Filho, Université fédérale de São Carlos : « Adieu à la dictature militaire ? »

9h30 – Elizabeth Cancelli, Université de São Paulo : « L’Institut de recherches et d’études sociales (IPES) pendant le coup d’État militaire : ses ancrages théoriques et ses réseaux d’intellectuels »

10h00 – Anthony W. Pereira, King’s College de Londres : « État versus Régime pendant la dictature militaire brésilienne : retour sur l’origine des transformations politiques sous le pouvoir autoritaire »

10h30 – Maria Celina d’Araujo, Université catholique de Rio de Janeiro : « La place du Congrès national et le coup d’État militaire de 1964 : la démocratie libérale était-elle un problème institutionnel ? »

11h00 – Débat

12h30 – Déjeuner

Après-midi : Production culturelle
Président de séance : Edgardo Manero, CNRS/EHESS

14h30 – Tânia Pellegrini, Université fédérale de São Carlos : « Repenser la critique : culture et dictature cinquante ans après »

15h00 – Marcos Napolitano, Université de São Paulo : « Luttes culturelles et construction mémorielle à propos du régime militaire brésilien »

15h30 – Severino João Albuquerque, Université du Wisconsin, Madison : « Une « effervescence » douteuse : le théâtre brésilien pendant la période militaire »

16h00 – Antoine Acker, Institut universitaire européen de Florence/Paris 3 : « « Développementalisme » et crise écologique : les nouvelles représentations de la nature dans le Brésil des militaires »

16h30 – Dária Gorete Jaremtchuk, Université de São Paulo : « Les manifestations artistiques d’opposition à la dictature brésilienne »

17h00 – Débat

18h30 – Clôture de la journée

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9h00 – João Roberto Martins Filho, Université fédérale de São Carlos : « Adieu à la dictature militaire ? »
L’intervention concernera la pertinence du concept de « dictature civile-militaire » qui, ces dernières années, a remplacé celui de « dictature militaire » pour caractériser le régime en vigueur au Brésil de 1964 à 1985. Dans cette perspective, je souhaite retrouver l’histoire de ce nouveau concept pour ensuite le discuter sur plusieurs de ses versants. Je montrerai notamment comment on ne peut se satisfaire de cette nouvelle caractérisation qui s’est imposée du fait de l’absence d’une discussion théorique plus ample.

9h30 – Elizabeth Cancelli, Université de São Paulo : « L’Institut de recherches et d’études sociales (IPES) pendant le coup d’État militaire : ses ancrages théoriques et ses réseaux d’intellectuels »
Ce travail vise à examiner les réseaux d’intellectuels mobilisés dans la préparation du coup d’État de 1964. Je m’attacherai notamment aux connexions entre, d’une part, le Congress for Cultural Freedoom (CCF) et son siège brésilien de Rio de Janeiro et, d’autre part, ce dernier et l’Institut de recherches et d’études sociales (IPES), le plus important organisateur du coup d’État. Figure clé de ces connexions, l’économiste José Garrido Torres a été un membre actif du CCF et a rejoint le petit groupe occupé à recruter les futurs participants de l’IPES – y compris à l’intérieur de l’École supérieure de guerre, institution fondamentale pour l’articulation entre politique et idéologie lors du coup d’État. Ce n’est pas un hasard si José Garrido Torres a occupé le poste de coordinateur général des divers sous-groupes d’études du « Groupe de doctrine » de l’IPES. Comme le souligne justement Dreifuss dans son ouvrage sur le coup d’État, cette institution était le fournisseur d’idées et le pilier idéologique par excellence du régime à venir. Je souhaite donc, avec cette communication, mettre en lumière ces réseaux, leurs membres et les connexions qui les structurent, sans oublier les racines théoriques qui leur donnent leur cohésion.

10h00 – Anthony W. Pereira, King’s College de Londres : « État versus Régime pendant la dictature militaire brésilienne : retour sur l’origine des transformations politiques sous le pouvoir autoritaire »

Dans sa version actuelle, la démocratie brésilienne a déjà duré près de huit ans de plus que la dictature de 1964-1985. Les historiens et les chercheurs en sciences sociales disposent maintenant d’un certain recul historique quand ils se retournent vers la période la plus récente de gouvernement autoritaire du pays. En 2014, cinquante ans après le coup d’État qui a marqué le début de la dictature, on dispose d’un corpus de travaux universitaire qui décrit, explique et interprète divers aspects de la dictature brésilienne de 1964-1985. Une des tensions les plus intéressantes dans cette littérature est celle qui existe entre les interprétations soulignant la continuité du gouvernement militaire avec l’histoire qui le précède et celles le décrivant comme le fruit d’une rupture radicale. Pour mieux situer ce débat, il est utile d’invoquer la distinction théorique classique entre un régime politique et l’État. La question est la suivante : « Est-ce le régime militaire qui transforme l’État ou est-ce l’État qui transforme le régime ? » Les auteurs répondent de façon très variée à cette question. À titre d’exemple, Hagopian décrit comment les prétentions radicales du régime ont été progressivement abandonnées au cours des négociations entre le haut commandement militaire et des hommes politiques « traditionnels » (clientélistes et guidés par le système de distribution des prébendes) qui exerçaient leurs mandats dans le Congrès. Inversement, beaucoup de chercheurs décrivent l’existence d’un « héritage autoritaire » du régime dans la démocratie d’aujourd’hui. Cette communication commencera donc avec la distinction théorique décrite plus haut pour essayer ensuite d’évaluer de façon comparative les éléments historiques disponibles, examinant jusqu’à quel point le régime militaire a transformé l’État brésilien (et par conséquent la société) et jusqu’à quel point l’État a transformé le régime. Les conclusions porteront sur la question de la continuité et de la rupture mentionnée au début.

10h30 – Maria Celina d’Araujo, Université catholique de Rio de Janeiro : « La place du Congrès national et le coup d’État militaire de 1964 : la démocratie libérale était-elle un problème institutionnel ? »

Cette communication vise à démontrer comment la critique du pouvoir législatif brésilien a été renforcée, durant les années 1970, par une nouvelle littérature se présentant comme porteuse d’une approche académique non seulement novatrice mais aussi plus rigoureuse en termes de recherche. Cette défiance a été complétée par une exaltation du pouvoir exécutif comme source de l’efficacité et de la modernisation. Cette tendance s’inscrit dans un mouvement qui débute avec la décennie 1930, quand commence le processus de centralisation de l’État brésilien notamment du point de vue de la prise de décisions. Pour une grande partie de la bibliographie examinée dans le cadre de ce travail, la rupture institutionnelle de 1964 aurait été la conséquence de l’impossibilité de concilier démocratie parlementaire et croissance économique.

11h00 – Débat

12h30 – Déjeuner

Après-midi : Production culturelle
Présidente de séance : Mônica Raisa Schpun (EHESS)

Intervenants :

14h30 – Tânia Pellegrini, Université fédérale de São Carlos : « Repenser la critique : culture et dictature cinquante ans après »

Cette communication vise un aspect peu exploré par les spécialistes de la littérature : les bases légales et institutionnelles de la réglementation de la production culturelle pendant le régime militaire au Brésil (1964-1985), auxquelles la censure a fourni le camouflage nécessaire. À l’ombre de celle-ci, est né un nouveau mode de production culturelle, largement internationalisé, qui a permis la consolidation des industries associées. En littérature, cette orientation est directement ou indirectement à l’origine d’une série de propositions thématiques et formelles nouvelles ou encore de versions revisitées des solutions déjà connues.

15h00 – Marcos Napolitano, Université de São Paulo : « Luttes culturelles et construction mémorielle à propos du régime militaire brésilien »

Malgré le triomphe politique de la droite dans le contexte du régime militaire brésilien, il n’est pas exagéré de dire que c’est la gauche qui est sortie victorieuse dans les luttes culturelles qui ont suivi le coup d’État de 1964. Les artistes et les intellectuels opposés au régime militaire ont obtenu un important prestige dans l’opinion publique la plus influente, participant ainsi à la consécration de l’idéal de « résistance démocratique » contre l’autoritarisme. Les conséquences sur les constructions mémorielles relatives à cette époque ont été profondes. Autrement dit, les militaires, victorieux sur le plan politique, installés au pouvoir avec l’appui d’une grande partie de la population civile pendant vingt-et-un ans, furent les grands perdants de la bataille de la mémoire. Dans cette communication, j’analyserai les relations entre les luttes culturelles, les constructions mémorielles et le révisionnisme historiographique dans le débat en cours sur le régime militaire brésilien.

15h30 – Severino João Albuquerque, Université du Wisconsin, Madison : « Une « effervescence » douteuse : le théâtre brésilien pendant la période militaire »

Cette intervention vise à questionner le consensus qui s’est progressivement construit au cours des années selon lequel le théâtre brésilien serait paradoxalement passé par une phase d’ébullition créative durant la dictature militaire. J’entends ici revisiter les bases de cette croyance. Pour ce faire, je reviendrai sur les erreurs consistant à voir la censure comme étant la pire ou la seule arme du régime répressif dans le champ culturel (Ridenti) et à interpréter les succès théâtraux des années 1960 et 1970 comme étant dus au climat régnant alors, sans tenir compte des effets possibles des deux décennies de démocratie culturelle et politique précédant le coup d’État de 1964 (Schwarz).

16h00 – Antoine Acker, Institut universitaire européen de Florence/Paris 3 : « « Développementalisme » et crise écologique : les nouvelles représentations de la nature dans le Brésil des militaires »

La période de la dictature civile-militaire est souvent dépeinte comme un âge sombre pour la thématique environnementale, piétinée par la propagande « développementaliste » du régime et les provocations de ce dernier au sommet de l’ONU à Stockholm en 1972. C’est pourtant à cette époque que se consolide une interprétation moderne de « l’ufanisme » soulignant la nécessité de protéger la nature tropicale. Ce discours perceptible notamment dans la production artistique, médiatique et scientifique, parvient à s’acheminer à l’intérieur des institutions développementalistes grâce à une alliance avec des fonctionnaires sensibles aux dégâts environnementaux. En analysant l’émergence de nouvelles représentations de la nature entre la fin des années 1960 et le début des années 1980, cette contribution s’emploie à mettre au jour les racines ignorées de l’environnementalisme brésilien dans la période militaire.

16h30 – Dária Gorete Jaremtchuk, Université de São Paulo : « Les manifestations artistiques d’opposition à la dictature brésilienne »

Pendant les décennies 1960 et 1970, le flux des artistes brésiliens vers l’étranger a été considérable. Ces déplacements peuvent être vus comme un phénomène lié aussi bien à la « culture de l’exode » propre aux pays éloignés des grands centres artistiques, qu’aux spécificités du contexte politique au Brésil alors dirigé par une dictature militaire. En fait, le départ des artistes vers les États-Unis s’est fait dans la légalité et a été facilité, dans la plus grande partie des cas, par l’accès à des bourses d’étude ou à des prix de voyage à l’étranger. Le but de cette communication est d’examiner les caractéristiques de ce mouvement.

17h00 – Débat

18h30 – Clôture de la journée